Séminaire clinique de la SFTF
Coordinateurs : Karine BAUDELAIRE, Stéphane JUNG et Jérôme PAYEN DE LA GARANDERIE
LES SÉMINAIRES DU JEUDI

NOUVEAUX MODÈLES DE SOINS : TECHNICITÉ OU COMPLEXITÉ ? UNE RÉFLEXION SYSTÉMIQUE
Séminaire du 16 novembre  2017 – 20h30 – l’Élan Retrouvé


Quand les usagers se mêlent de l’histoire naturelle de leur maladie. L’exemple de Dingdingdong et de la maladie de Huntington.

Emilie HERMANT

Argument 
La maladie de Huntington (MH) est une maladie génétique, rare et incurable, qui provoque une neuro-évolution cognitive, psychologique et motrice, entraînant la perte progressive de l’autonomie et la mort (suivant une évolution qui ne peut pas être connue à l’avance et qui dépend des malades).

Depuis que l’anomalie génétique responsable a été identifiée en 1993, il existe un test permettant aux personnes dont l’un des parents est touché de savoir si elles sont à leur tour porteuses de cette maladie.

Techniquement, il n’y a rien de plus simple : il suffit de faire une prise de sang pour savoir si l’on est affecté par le mauvais gène. Éthiquement, psychologiquement, existentiellement, il n’y a rien de plus compliqué, car du fait des particularités génétiques de cette maladie, savoir que l’on porte ce gène c’est savoir avec certitude qu’on la développera un jour, tout en ignorant quand – entre 35 et 55 ans d’après les statistiques – et comment. Mais que signifie voir ainsi la catastrophe dans une personne et la lui annoncer ? Une telle prédiction projette dans une énigme effroyable, débordant largement le geste médical qui l’a fait naître.

Que se passerait-il si le test et la maladie tels qu’ils sont définis actuellement étaient réfléchis à partir des expériences réelles des porteurs et des malades eux-mêmes, lesquels n’ont pour l’instant pas la possibilité de participer à la manière dont on pense ce qui leur arrive ? Dingdingdong (un autre son de cloche) a été créé en 2012 afin de provoquer une telle reprise de certaines des manières de penser et de faire qui concernent autant cette maladie, dite orpheline. L’objectif de cette initiative est de parvenir collectivement à appréhender une expérience dont les usagers sont les éclaireurs et qui nous concerne tous potentiellement : comment bien vivre avec une maladie génétiquement annoncée.

 
Références

Écrivain, psychologue clinicienne et parfois photographe, Emilie Hermant a travaillé avec Bruno Latour au Centre de Sociologie de l’Innovation de l’Ecole des Mines de Paris, avec lequel elle a réalisé le livre de sociologie photographique Paris Ville Invisible (Les Empêcheurs de penser en rond, 1999), avant de rejoindre l’équipe de Tobie Nathan au Centre Georges Devereux (centre d’aide psychologique, Université de Paris 8) pendant près de quinze ans. Depuis 2012, elle est directrice de Dingdingdong – Institut de coproduction de savoir sur la maladie de Huntington. Elle est l’auteur d’un essai de psychologie, Clinique de l’infortune — la psychothérapie à l’épreuve de la détresse sociale (Les Empêcheurs de penser en rond, 2004) et de quatre romans dont deux publiés : Réveiller l’aurore (Le Seuil, 2009) et Pas moi (Lanceur, 2010). Son nouveau livre, Le chemin des possibles – la maladie de Huntington entre les mains de ses usagers (avec Valérie Pihet), paraîtra aux Editions Dingdingdong en octobre 2017.